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Une touriste en hiver

Tu connais ces deux sentiments mixés qui s’heurtent si vite que ton cerveau n’a pas le temps de comprendre pourquoi ?
La joie et la tristesse, chez moi, se côtoient quotidiennement (1/2)

Tout à l’heure je suis rentrée dans l’ascenseur, je chantais fort et je dansais, très sûre que je vivais seule dans ce petit immeuble de 15 étages. L’ascenseur s’est arrêté et je suis descendue, puis rentrée de nouveau parce que je n’étais en fait pas au bon étage. Entre temps, les deux filles qui avaient demandé l’arrêt au 5e ont eu le temps de m’entendre me déchaîner, de me voir gesticuler toute seule, puis sortir, puis rerentrer, on s’est regardées, elles étaient européennes, j’ai commencé à avoir un fou rire nerveux et elles aussi, on ne s’est rien dit et on a ri toutes les trois. Je suis sortie dans la rue et j’avais envie de chanter plus fort que les voitures, que les marcheurs, que le bruit de la rue. J’avais envie d’emmerder tout le monde et j’étais heureuse. Non pas un de ces bonheurs ordinaires, mais un bonheur qui m’arrache les tripes, qui me ferait soulever d’une main trois cars remplis, qui me ferait faire mes courses et mon ménage en une heure bien tassée, qui me ferait doubler toutes les foules coréennes possibles, ce sont comme des griffes aiguisées qui chatouillent mes tripes, c’est incontrôlable, j’ai du feu dans mes veines et un marathon 42,195 kilomètres ne suffirait pas à calmer mes jambes.

D’un coup, j’ai envie d’aimer les personnes qui m’ont causé du tort, envie de leur pardonner, les situations m’apparaissent sous un angle différent et bien moins ardues, tout s’éclaire, je suis prête à accueillir les solutions, et avec le sourire, pas un sourire gentil, un sourire endurcit, fort, rouge.

Tout se présenterait comme un énorme avantage si ce n’était pas autant relié à l’exact inverse, une vague de gris qui s’est abattue pendant plusieurs longs jours sur ma vie. J’ai eu le temps de passer plus de cinq soirées les jambes repliées contre moi dans mon lit ou sur mon canapé, à ne rien faire, à me demander pourquoi je ressens quelque chose d’aussi négatif, un néant, à me complaire dans des situations qui me font pleurer, à m’imaginer quitter des gens et pousser la situation jusqu’à qu’elle soit sur le bord de se réaliser.

J’ai aussi ressenti une énorme haine, pas une haine forte mais une haine lâche qui m’a juste creusé le ventre, le moral, m’a laissé avec encore moins de réponses que ce que je n’en avais de base. J’ai pleuré, beaucoup pleuré. Je me suis demandé pourquoi j’avais quitté la France, j’ai trouvé la Corée du Sud vide et inintéressante, je me suis flagellé l’esprit de culpabilité quant au fait que je n’en profite pas assez. J’ai maudit ceux qui arrivaient à sortir de chez eux. Je n’avais envie de voir personne et quel malheur était-ce que ces gens qui faisaient des soirées, heureux et épanouis.

Ces états, heureux ou sombres, je les subis perpétuellement et je suis incapable d’y changer un petit caillou.  Ils varient en fonction des jours, des saisons, de la météo, des personnes autour de moi, de tout. Parfois l’énergie est jaune, avec des phases d’orange et rouge. Parfois c’est l’exact inverse.

Au départ, pour conclure cet article (il y a maintenant plusieurs mois de cela), j’avais relié cet état à la difficulté de survivre les jours de prérègles et de règles pour les femmes, puis j’ai continué à m’interroger sur ce que je ressentais vraiment. J’en ai alors déduit une conclusion bien différente, qui part encore plus loin, qui m’explique mieux. Mais pour cela j’ai besoin d’un article complet, qui apparaîtra bientôt ici. Je suis encore en train de le construire. En attendant, je vous laisse avec ma conclusion d’origine.

Bonne lecture et à bientôt !

Mon point de conclusion est le suivant. Partant du postulat que je ne suis pas la seule femme à ressentir ça, est-ce que l’on se rend compte que le rythme de travail n’est absolument pas adapté à ces émotions auxquelles une femme doit faire face ? J’abat des montagnes de dossiers et de délicates questions lors des semaines où je me trouve en top up. Je suis au ralenti et un demi-escargot arriverait plus vite à destination que moi lorsque mon ventre est gonflé et dur, que mes seins me font mal, que mon esprit est un ballon de baudruche sur le bord d’éclater, tout mon être est tendu vers cet unique but, éclater. Le télétravail pourrait aider, je me traîne à aller chercher ce bus, à 16h30 devant mon écran je ne comprends plus rien, si mon lit était à proximité j’irais dormir et je serai prête à mieux redémarrer le lendemain à 9 heures. Je ne parle même pas du moment où mon mal de ventre et de tête prends le dessus et où toutes mes connaissances se nouent dans un océan de douleur. Pourquoi attendre de moi que je fasse des réunions des vendredi à 17 heures, pourquoi est-ce qu’on me confie à ce moment-là un dossier qui a décidé de ne pas en finir ? Pourquoi aucune salle de sieste, à minima de repos (des fauteuils avec des machines à café quoi !) n’est disponible ?

Pourquoi le sujet est tabou, pourquoi est-ce qu’en entreprise on ne parle de ces choses-là et qu’aucune bienveillance n’est à disposition ?

Est-ce que certaines personnes ont des expériences différentes ? Dans quelles entreprises ? Je suis désespérée de ressentir ça toutes les années de ma vie et puis je suis jeune, mais je n’ai pas envie de me faner doucement dans cette énergie perdue, j’ai déjà des cheveux blancs, des rides, j’ai envie de ne plus exister trois jours par mois et je trouve ça beaucoup, beaucoup trop pour tenir jusqu’à que mes 65 ans arrivent. Et j’aime tant mon travail, alors je pense aussi à ces femmes pour qui ce n’est pas le cas. Je suis une femme. C’est dur pour moi. Il faut que ça change.

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